Friday, January 25, 2008

Le FAM et ses lions

Le FAM et ses lions
Gilded lions and jeweled horses

Folk Art Museum
49 East 52nd Street

NY NY 10022
http://www.folkartmuseum.org/

Vous connaissez cette adresse. Je suis sure que vous etes passés des milliers de fois devant sans vous arrêter, sans vous apercevoir que derrière le grand Moma se trouve le Folk Art Museum. En France, on l'appellerait le Musée des Arts et Traditions populaires. On y trouve de tout : des peintures du 17ème siècle à nos jours, en passant par la sculpture, la photographie, les textiles, la céramique, les arts décoratifs les plus divers et aussi quelques oeuvres d'art contemporains réalisées par des artistes autodidates nationaux et internationaux... (source photo : http://www.nyc-architecture.com)
Le batiment, ouvert pour la première fois en 1961, a été rénové et rouvert en décembre 2001 par Tod Williams et Billie Tsien (TWBTArchitect). L'un, titulaire d'un master d'architecture de Princeton, a travaillé pendant 6 ans avec Richard Meier ; l'autre, a enseigné à Parsons School of Design, Harvard, Yale. Bill est le Vice-President de la Municipal Art Society de NY. Mélange subtil de béton et de bois, le batiment est tout en hauteur (30.000 square foot !). 7 des 8 étages proposent des sortes de galeries dédiées au public, espaces intimistes pour permettre un rapport personnel à l'oeuvre. L'immense skylight au plafond rappelle un peu celui de la galerie de Yale. Il diffuse une lumière naturelle à travers les galeries. Alors, commençons par le haut... La collection permanente a été réinstallée le 16 novembre 2004, elle est divisée en 4 parties.
AMERICAN FOLK ART MUSEUM
Photo: Michael Moran, 2002


1 - Le Symbolisme : pas la peine de dévellopper, voici quelques exemples :


- Tableau de Seneque Obin (peintre haïtien, 1893-1977), "Les Amis".
Le message est clair : les gens de toutes les races se tiennent la m
ain, américains et haïtiens ; en fond de toile, des symboles maçoniques.




- Quilt de Jessie B. Telfair of Parrot (1913-1986, Georgie). Elle réalisa ce quilt après avoir été licenciée parce qu'elle s'était inscrite pour voter en Géorgie en 1960. Le mot Freedom est écrit verticalement 6 fois en rouge, blanc et bleu.
Jessie B. Telfair (1913-1986), Parrott, Georgia, 1983
Cotton with muslin backing and pencil inscription, 73 x 75 in.
American Folk Art Museum, gift of Judith Alexander in loving memory of her sister, Rebecca Alexander, 2004.9.1, Photo by Gavin Ashworth


2 - L'utilité :

L'objet combine l'utilité, l'individualisme et l'art décoratif.


- La chaise en métal de Richard Dial appelée : "the comfort o Moses and the 10 commandments", 1988. (Dial avait commencé une petite entreprise de mobilier de jardin en métal pendant qu'il travaillait comme réceptionniste à l'hotel Pullman.

The Comfort of Moses and the Ten Commandments, from Folk art revealed, Richard Dial (b. 1955), Bessemer, Alabama, 1988, Steel and wood with hemp and enamel, 57 x 33 x 32 1/2 in. American Folk Art Museum purchase made possible with grants from the National Endowment for the Arts and the Metropolitan Life Foundation, 1990.3.5, Photo by Bard Wrisley





- Anna Gould Crane,
by Sheldon Peck (c.1837) Sheldon Peck était un portraitiste itinérant autodidacte de l'Illinois, qui peignait sur du bois et faisait lui-même ses encadrements (1797-1868).





3 - L'individualité :
signature de l'artiste, expressio
n individuelle.

- Encyclopedic Palace of the World (1950) by Marino Auriti of Kennett Square, Pensylvania. Artiste autodidacte a fabriqué en 3 ans cette tour en bois, métal, plastic et celluloid. Tour construite sans clou ni colle !





- Eugene Von Bruenchenhein
(Milwaukee, 1910-1983) : Animals appear as plants dwellers of the sea, 1956, from Folk Art revealed
Paint on corrugated cardboard, (carton ondulé), 21 x 24 in.
American Folk Art Museum, Blanchard-Hill Collection,
gift of M. Anne Hill and Edward V. Blanchard Jr., 1998.10.58, Photo by Gavin Ashworth


4 - La communauté :
(environnement institutionnel : écoles, prisons...)



- Devil House, 1960, Frank Jones, ouvrage fabriqué en prison
FRANK JONES (1900-1969)
Devil House, 1960s, Graphite and colored pencil on paper
12 x 18 inches (30.5 x 45.7 cm), Signed lo
wer left










- Nek Chand,
sculpteur indien dont le Rock Garden est ouvert au public à Chandigarh, en Inde, depuis 1976.
Boy, from Concrete Kingdom: sculptures by Nek Chand, (b. 1924), Chandigarh, India, c. 1984
Concrete over metal armature with mixed media
34 x 12 x 16

American Folk Art Museum, gift of the National Children's Museum, Washington, D.C., from the Capital Children's Museum Nek Chand Fantasy Garden, in honor of Gerard C. Wertkin, director of the American Folk Art Museum, 1991 to 2004, 2004.25.24
Photo by Gavin Ashworth







Gilded lions and jeweled horses


Lions, decalogue
, and hands of a Kohen from Anshe Emeth Synagogue, from Gilded lions and jeweled horses : the synagogue
to the carousel, Marcus Charles Illions, (1865/1874-1949), Coney Island, Brooklyn, New York, c. 1920, Paint, gold paint, and gold leaf on wood w
ith glass eyes
32 3/4 x 71 3/8 x 9 in. The Se
a Breeze Jewish Center, Brooklyn, New York, Photo by August Bandal, New York



L'exposition "Gilded lions and jeweled horses : the synagogue to the carousel" retrace l'epopée des sculpteurs orignaires de l'Europe de l'Est et du centre de l'Europe, qui ont fait partie de la grande vague d'immigration en Amérique dans les années 1880 et 1920, et qui ont joué un rôle peu connu dans la culture américaine. L'exposition a été conçue par Murray Zimiles, artiste et Professeur au College de Purchase (et coordonnée par Stacy C. Hollander du Folk Art Museum).

Decalogue, lions and jeweled horses : the synagogue to the carousel, from Gilded lions and jeweled horses : the synagogue to the carousel, Artist unidentified, Probably Ohio, 1882, Paint and gold paint on wood, 36 x 48 in., Hillel Jewish Student Center, Cincinnati, gift in memory of Jack Katz by his wife, children, grandchildren, and great-grandchildren, 1989.035, Photo by Mark Bealer, Cincinnati


Dès l'entrée, les photos qui montrent le travail des sculpteurs d'Europe de l'Est dans les synagogues (Pologne et Biélorussie aux 17 et 18e siècles), sur les tombes ou à travers les découpages (tradition en Pologne dans la seconde partie du 19e siècle lorsque le papier était bon marché) est saisissant.
Exterior of the wooden synagogue in Chodorów, Ukraine, mid-seventeenth century/ photo courtesy Polska Akademia Nauk, Instytut Sztuki, Warsaw

Detail of the ceiling and ark from the synagogue in Chodorów, Ukraine, mid-seventeenth century /photo courtesy Polska Akademia Nauk, Instytut Sztuki, Warsaw

En arrivant aux Etats-Unis, ils ont transféré un savoir-faire emprunté au domaine du sacré à la culture populaire.

Lorsqu'ils arrivèrent en Amérique, les sculpteurs fabriquaient des meubles en bois. Puis les animaux apparurent :"Be bold as a leopard, swift as an eagle, fleet as a deer and strong as a lion, to do the will of thy Father who is Haven". Les sculptures de chevaux de bois se faisaient à la demande. Le travail était d'une précision extrême, d'un grand dynamisme : crinière dans le vent, la bouche ouverte pour montrer ses dents, décorés de bijoux de verre. Cette précision rappellait celle des découpages et des sculptures des ornements des synagogues. Les animaux apparaissent alors en 3 dimensions au lieu de 2.

Standing horses with jeweled trappings, from Gilded lions and jeweled horses : the synagogue to the carousel, Marcus Charles Illions (1865/1874-1949), Coney Island, Brooklyn, New York, c. 1911-1927, Paint on wood with jewels and glass eyes, 59 1/2 x 70 x 19 in. The Charlotte Dinger Collection, I1-B, Photo by August Bandal, New York

Parallèlement, la société des loisirs se développa et le carrousel y trouva sa place, notamment à Coney Island. Marcus Charles Illions, le Michelangelo des carrousels rajouta même des roulots de style rococo, il a été l'un des premiers à utiliser les feuilles de métal sur les crénières des animaux. Le style baroque envahit le carrousel.


Salomon Stein et Harry Goldstein ont fabriqué également les plus grands chevaux sculptés, et produisirent les plus grands carrousels. L'un d'entre eux mesure 60 feet et transporte plus de 100 personnes (cf. Caroussel de Central Park dont les animaux ont été fabriqués en 1908, et toujours en service actuellement !).
Armoured horse, Solomon Stein (1882–1937) and Harry Goldstein (1867–1945) / Coney Island, Brooklyn, New York / c. 1912–1917 / paint on wood with glass eyes, leather bridle, and horsehair tail /58 5/8 x 63 x 14 7/8" / American Folk Art Museum, New York, gift of the City of New York, Department of Parks and Recreation, 1982.4.1


Les lions eux, qui gardent le Décalogue ou les 10 commandements, sont presque tous dorés à la feuille d'or. Les détails, tout comme les découpages, sont aussi imp
ressionnants. Ils font le lien entre la culture populaire et le sacré. Sur le mur blanc des découpages, on trouve entre autre :
- la Mizrah polonaise d'Israel Dov Roxenbaum (horloger) fabriquée en 1877 (plaque suspendue à la maison qui indique dans quelle direction il faut prier),
- le calendrier d'Omer de Baruch Zvi Rig's, produite
à Rochester en 1904 pour l'étude de la Mishnan (code de la tradition orale), le plus grand en calligraphie hébraique.
La sculpture et le découpage de papier étaient une tradition et un savoir-faire masculins.
MIZRAH, from Gilded lions and jeweled horses : the synagogue to the carousel,Artist unidentified, Ostrow-Masowiecka, Poland, 1890-1891, Ink on cut paper, 21 x 20 1/2 in., The Gross Family Collection, Tel Aviv, 036.011.010, Photo by Vladimir Naikhin, Jerusalem


Après la 1ère guerre mondiale, la grande épopée des chevaux de bois s'est essoufflée, au profit de la fabrication en fibre de verre. Un épisode malheureux retrace l'incendie du grand carrousel construit par M. Camel (Dreamland park à Coney Island), un jour avant l'ouverture du park en 1911.

Carousel horse with lowered head, from Gilded lions and jeweled horses : the synagogue to the carousel, Charles Carmel (1865-1931), Coney Island, Brooklyn, New York, c. 1914, Paint on wood with jewels, glass eyes, and horsehair tail, 58 5/8 x 63 x 14 7/8 in., American Folk Art Museum, gift of Laura Harding, 1978.18.1, Photo by John Parnell, New York


Démonstration surprenante du lien que les artistes ont forgé entre la synagogue et le carrousel en tant qu'artistes immigrant juifs, et transférant des éléments symboliques visuels en exemple vulgaire américain. Au mois de mars 2008, R. Bloomberg annonça un plan de restauration de 2 millions de dollars pour le dernier Carrousel B&B de Coney Island.


Chafatino’s carousel, by M.C. Illions Carousell Works, Coney Island, Brooklyn, New York, 1923 / photo courtesy Barney Illions and Flying Horses, Rolling Hills, California

Tuesday, January 15, 2008

Les aquarelles du musée de Brooklyn


Brooklyn Museum Brushed with Light: American Landscape Watercolors from the Collection
Brooklyn museum
http://www.brooklynmuseum.org/



Comme tous les musées du monde, les réserves regorgent d'objets exceptionnels. Le musée de Brooklyn, connu pour ses thèmes novateurs, présente ici un vrai trésor : une série d'aquarelles des grands artistes américains (dont ceux de l'Hudson River School, pour ceux qui suivent, les post civil war, et les modernes...)
Rien d'exitant, et pourtant, prenez une loupe, approchez-vous du tableau...
Cette collection est la plus riche et aussi la premiére constituée aux Etats-Unis (1906). On ne peut la voir qu'une fois tous les 10 ans, dans une quasi-obscurité (les aquarelles sont très fragiles à la lumiére, et sont restaurées régulièrement, voir photo du Brooklyn Museum). Alors la curator, Teresa A. Carbone a joué sur le coté intimiste de la muséographie : murs sombres (bleu marine et bordeaux) pour accentuer la lumière des aquarelles, avec des encadrements (parfois d'origine) telles de toiles impressionnistes.

Un peu d'histoire. L'aquarelle est une technique qui emploie les pigments de couleur (naturels ou artificiels, , bref des particules suspendues dans l'eau. A cela, on ajoute de la "gomme arabique", de l'ambre...) L'aquarelle représente une vraie révolution pour les artistes de l'époque ; ils pouvaient partir peindre les paysages sur place avec leur malle en bois, et exécuter fidèlement les paysages. En focalisant sur le travail de la lumière, l'aquarelle acquiert ses lettres de noblesses. Tout comme la peinture, cette technique met en avant le soucis du détail, les nuances et les transparences. Les grands noms de la peinture américaines se succèdent donc ici, l'exposition est chronologique.
La première est un paysage du Lake George (Narrows at the lake George, introuvable sur internet pour le moment) dans les tons de gris (nuances de bleu, rouge et jaune). Cette aquarelle a été réalisée en 1777, par William Pierie, un capitaine de l'armée britanique. Le paysage y est bien équilibré : lake entre les montagnes, ciel et nuages : composition en avance sur les paysages de l'Hudson River School.


A l'origine, l'aquarelle était un média plutot associé aux illustrateurs et aux amateurs. Son statut évolua très rapidement. Au début du 19ème, l'aquarelle est considérée comme une pratique artistique (distincte de la peinture à l'huile). De nombreux aquarellistes collborèrent avec des imprimeurs, des graveurs.


Thomas Eakins, Whistling for plover, 1874. (Ici, l'artiste choisit l'aquarelle plutot que l'huile pour faire ressortir le plus de lumière possible)



Les formats sont généralement grands, et les encadrements aussi. Les artistes composent des vues différentes (nature, pont de Philadelphie), ils ont le soucis du détail à tel point qu'il ne reste plus d'espace blanc dans la feuille, tout est recouvert par des couleurs.

The Samuel Fleet Homestead, Frances Flora Palmer, 1850s. Maison au coin de Fulton et Gold streets à Brooklyn, reproduites en 1884, dans une publication : History of Kings County and Brooklyn by Stiles. (Elle ressemble beaucoup à celle d'Albert Fitch Bellows (Coaching in New England, 1876) dans la technique : ombre sur les chevaux, arbres sombres au centre, nuages (procédé de saturation grace à la gomme arabique). Malheureusement pas trouvée sur le net.




Rudolph Cronau, (American, born Germany, 1855-1939) View from Greenwood Cemetery, Brooklyn, 1881.


Ils ajoutent la lumière à la fin, vont du plus foncé au plus clair, et ajoute les effets "transparence". Thomas Cole et Frédéric Church ont peint aussi beaucoup d'aquarelles. Puis, ce fut le tour des illustrateurs, et après la guerre civile, l'aquarelle acquis un vrai statut. Elle pouvait etre enfin vendue.


1857 : Exhibition of English Art, qui traverse plusieurs villes américaines et lance véritablement l'aquarelle. L'American Watercolor Society est alors créée en 1866. C'est un mouvement qui dure jusque dans les années 1885 environ. les sujets sont les memes que les peintures, les tailles des oeuvres ne pas minuscules du tout, au contraire.
Wislow H
omer l'utilise comme un media à part entière.

Wislow Homer, Fresh air, 1878



Wislow Homer, In the jungle, Florida, 1904.



Du détail de la nature, il se dirige vers un trait beaucoup plus spontané. D'abord, il ne recouvre pas toute la feuille, ensuite il prend et enlève des éléments (ajoute des couches, dilue les teintes), et propose des sujets moins réels (exemples : la barque, la jungle, l'ours et Homosassa).


Winslow Homer, Bear and canoe, 1895.



Winslow Homer, Homosassa, 1904.












Les impressionnistes capturent la lumière, elle a plus de valeur que l'objet lui-meme.

John Singer Sargent, Zuleika, 1906.






Frederick Childe Hassam (Americain, 1859-1935), Sunday morning Appledore, 1912.









Maurice Brazil Pendergast (American, 1858 - 1924) Sunday on the beach, 1898.

La peinture moderne pousse les artistes à composer des surfaces telles qu'ils le ressentent. Les traits sont modifiés. Les détails disparaissent, les lignes deviennent de plus en plus droites, l'aspect visuel change aussi. Cela est doute du au changement de papier. La qualité est meilleure : ca gondolle moins et ca fait aussi moins de bulles.



En 1923, le Brooklyn museum est le premier
à acquérir des aquarelles d'Edward Hopper ou de John Sargent.

Edward Hopper (Americainm 1882-1967), House at Riverdale, 1928.




Thomas Hart Benton, Lassoing Horses, 1930.
(Prof de Pollock !)





John Marin (Americain, 1870-1953), Deer Isle, 1914.
(Premier séjour dans le Maine, Penobscot Bay, ou il acheta sa propre ile. Les lignes sont abstraites, avec un motif central. Influence cubiste de Picasso et Braque.) My favorite !

La crise de 29 se ressent dans le choix des couleurs des aqurelles (tons plus foncés, bruns, noir). Les peintres travaillent l'aquarelle comme un vrai tableau, et profitent de la variété des techniques (couches de peintures, coups de pinceaux, éponge, encre...)



Charles Demuth (Americain 1883 - 1935), Roof and Steeple, 1921.




Joseph Pennel, Brooklyn bridge.
















Oscar Bluemner, Loving moon, 1927.










Quarry by William Thon, ca. 1952